François Noir

Un chemin de mille lieues commence par un pas.

Ce premier pas est l’activation de l’énergie vitale (Ki). Cette activation s’effectue au niveau individuel avec la respiration par les mains et  l’inspiration concentrée par la colonne vertébrale.

Au niveau collectif, c’est l’expiration concentrée sur un partenaire (Yuki) ; donneur et receveur alternent, les yeux fermés. On fait Yuki, principalement sur la colonne vertébrale, jusqu’à ce que l’endroit devienne légèrement humide et ensuite les mains se déplacent ailleurs. Le processus de réajustement local est déclenché.

I)L’énergie vitale activée, on laisse surgir les mouvements qui viennent de l’organisme. Ce sont les mouvements spontanés positifs correspondant à un besoin précis :

Parfois ces mêmes mouvements sont négatifs car ils sont le signe d’une dégradation de l’organisme :

Ce qui est difficile dans notre pratique est de ne pas confondre mouvement involontaire et mouvement régénérateur. Beaucoup de mouvements peuvent être spontanés et involontaires sans être régénérateurs :

L’étude des mouvements spontanés et inconscients  ne sera pas abordée ici. 

Cette science des Taiheki fera l’objet d’un  article spécifique.

 Dans les séances on vise à mettre l’organisme en condition pour que les mouvements soient régénérateurs. A noter deux critères de pratique juste : 

b) Les paupières battent toutes seules d’avant en arrière.

II) Le groupe

Le linge plongé dans un torrent en sort plus propre que celui trempé dans un baquet.”

L’énergie du groupe stimule le Ki individuel et permet à chacun de réajuster son propre mouvement. Il n’y a pas déconnexion du cerveau ni transe collective car les yeux sont fermés et la respiration reste calme. Cela n’empêche pas chacun de ressentir l’ambiance du groupe, et d’y participer : Parfois un éclat de rire est contagieux et assouplit le plexus de chacun, parfois un cri glacial crée un silence pesant.

 L’action du groupe à la même influence que la forêt sur la jeune pousse d’arbre à sa lisière. Elle soutient sa croissance, l’entoure de son énergie, l’influence par son énergie vitale.

Dans notre pratique, seul l’animateur garde les yeux ouverts. Inconsciemment, c’est lui qui crée l’ambiance. Dans une vision à long terme, comme le déplacement des oies sauvages, le chef d’escadrille n’est pas toujours le même.

III) Le leadership pose la question d’un animateur unique, avec les conséquences tant pour lui que pour les autres pratiquants : risque d’hypertrophie du moi, création d’un modèle, ressources financières exclusives… L’esprit de fluidité et vacuité peuvent être mis à l’épreuve. D’un autre côté, les animateurs multiples peuvent conduire à la dispersion, à la contradiction, comme à la richesse d’expériences diverses.

Itsuo Tsuda dans son premier livre  » le Non-Faire » écrit:

« La personnalité du leader est extrêmement importante. Il a une influence invisible sur les participants dépendant de son ouverture d’esprit, de sa formation générale et enfin de sa respiration. » 

Ensuite ce point n’a plus été évoqué. On a choisi d’animer à tour de rôle avec des avantages et des inconvénients. Dans toutes les autres disciplines la légitimité est basée sur une formation valorisée par un diplôme: Yoga,Tchi-Kong, sophrologie. Ces formations (payantes bien sûr) peuvent même être suivies dans un parcours de reconversion professionnelle. Dans le Zen le maître du dojo le Godo reçoit la transmission. Nous n’avons pas de maître physique. Il y a un collectif dans une mosaique mouvante et fluctuante. Cela correspond a une demande inconsciente et silencieuse de fusion de sensibilité d’organisme à organisme.

IV) La connaissance

Deux maîtres-mots de notre philosophie : “Sans connaissance”.

 Or toute initiation passe au départ par la connaissance : Il faut que celle-ci devienne un enrichissement digéré dans notre présent par le travail silencieux du Non-Faire, et participer à chaque séance avec un regard neuf.

“Je suis dans ma première année d’Aïkido” disait Me Ueshiba à la fin de sa vie.

La connaissance ressassée devient ennuyante et sclérosante. Elle est une cassure par rapport à la réalité du présent. De même que l’on empêche un bébé de toucher les prises électriques, et que dix ans plus tard on lui apprend à couper l’électricité et à les réparer, de même on interdit aux débutants de faire yuki sur le ventre. Plus tard ils savent faire Yuki sur des points précis: plexus, point de diarrhée, 3ème point du ventre. Dès le début avec Yuki sur le foetus la vie s’intensifie. A la fin avec Yuki sur le plexus elle se fluidifie.

Les particularités de notre voie sont l’approfondissement de la respiration et la découverte du Non-Faire. Il n’y a pas d’enseignement divulgué, pas de diplôme de profondeur de respiration. Par contre imperceptiblement la respiration et le Non-Faire se développent en corollaire et se répandent à l’extérieur. C’est un travail de longue haleine.

“De beaux voilages aux fenêtres embellissent l’intérieur du logement et rayonnent aussi à l’extérieur de la maison”.

V) Le passé

Si la connaissance est le passé, celui-ci impacte notre présent. Le passé n’est pas seulement ce qui est derrière nous. Au début de la vie, seul le présent rayonne. Au fur et à mesure le passé grossit. Il devient des couches d’énergies qui alourdissent notre organisme sans en avoir conscience.

J’en ai identifié plusieurs :

Certaines s’additionnent, d’autres s’opposent comme la nostalgie et la fuite. Un amnésique se sent fluide, libre et léger avant de retrouver la mémoire. Il prend conscience à postériori du poids de son passé sur son organisme. On peut  bien sûr donner la gestion de son passé (et son argent) à un psychiatre ou psychanalyste, mais ce n’est pas la voie de la Respiration.

 Le morcellement de l’individu n’est pas dans l’optique de l’activation du Ki. Notre optique est le nettoyage de la poubelle et non pas l’analyse des déchets du passé. Il y a une phase de prise de conscience avec la remontée à la surfaces couches du passé qui s’entrechoquent : on peut se sentir assailli comme dans le tableau des “Tentations de St Antoine” par Dali. Ensuite il y a l’hypersensibilisation où des crises d’angoisses peuvent se manifester. Elles sont la conséquence d’un assouplissement des vertèbres du haut et du bas du dos. La carapace se met à fondre !

Enfin la dilution de ces énergies dans le présent nous rend capable de se prendre en charge, aussi bien physiquement que mentalement. Il n’y a  pas de gourou ou de psychologue, à suivre, à écouter et à payer.

VI) La santé

Un des points forts de notre pratique : Savoir que notre organisme produit les médicaments dont il a besoin. Bien sûr il peut y avoir sur le chemin du Mouvement Régénérateur des accidents de parcours, des passages difficiles, des hauts et des bas. Ce chemin n’est pas une autoroute ni un TGV dans lequel on s’assoit au départ et on se réveille à l’arrivée.

Sans technique” signifie aussi sans technique SEITAI. De même Yuki n’a pas de visées thérapeutique, émotionnelle ou de manifestation de pouvoir, mais une communion d’organisme à organisme qui travaille en silence par l’activation de l’énergie vitale.

On ne recherche ni à combattre les maladies ni à améliorer la santé, ni à fortifier l’organisme. On peut parfois vivre longtemps avec un handicap ou un cancer et avoir une vie intense (Dostoïevski et son épilepsie, S. Hawking astrophysicien et sa maladie dégénérative). Inversement on peut avoir une solide constitution et ne rien faire de sa vie, voire être clochard. Me Noguchi disait à propos de l’organisme de certains patients : “Il n’a pas vécu sérieusement”.

VII) Conclusion

Le mouvement spontané peut venir rapidement. On peut bouger de façon involontaire. Mais est-ce un mouvement régénérateur ?

 Si la pratique est très simple, le processus est long :

Puis tout se déclenche tout seul : 

Sans but

“La vie n’a pas de limites. Les seules limites sont celles que l’on s’impose”.

 Itsuo Tsuda

“L’enfant marche joyeux sans songer au chemin. Il le croit infini n’en connaissant pas la fin”. Alfred de Musset

François Noir, le 17 avril 2020

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